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Patrimoine et art contemporain à la tour de la Lanterne

Vue sur la tour de la Lanterne depuis la tour Saint-Nicolas

En 1985, dans le cadre d’une commande artistique de l’État, les artistes Jean-Pierre Pincemin (artiste français 1944-2005) et Gottfried Honegger (artiste suisse 1917-2016) créent des œuvres contemporaines encore visibles à ce jour dans la tour de la Lanterne.

L'œuvre de Jean-Pierre Pincemin

L’œuvre de Jean-Pierre Pincemin (1944-2005) à la tour de la Lanterne occupe toute la superficie au sol de la salle Jehan Mérichon au cinquième niveau. Elle est constituée de béton coloré blanc et noir sur une surface de 84 m2, commencée en 1985 et achevée en 1986. 

Cette œuvre fait suite à une commande publique de l’État, à l’époque du ministre de la Culture Jack Lang. 

L’artiste a conçu la répétition aléatoire et rythmique d’un module en arc de cercle blanc et noir - motif déjà utilisé dans ses toiles dès 1968 qui sera repris pour des commandes ultérieures (pour les sols de la maison César Franck, du salon d’honneur au stade Charléty en 1994, pour le plafond du petit théâtre municipal de Villeneuse sur Yonne en 2000). 
 

Oeuvre de Jean-Pierre Pincemin, sol en béton aux motifs d'arabesques
Oeuvre de Jean-Pierre Pincemin, sol en béton aux motifs d'arabesques

© Centre des monuments nationaux - Sébastien Arnault


Au milieu des années 1980, l’artiste décrivait brièvement son projet dans un document préparatoire : 

Le sol pour le 4e étage de la tour de la Rochelle est à la fois une réflexion sur l’intégration la meilleure dans un bâtiment ancien (l’idéal étant que le visiteur ne sente pas la présence d’une œuvre nouvelle ou moderne). Le choix porté pour ce motif en couronnes est en relation avec la forme de la tour et sa formule aléatoire est dérivée de la carte des étoiles dont mon sol serait une représentation en mouvances. 

Jean-Pierre Pincemin (1944-2005) 

Né en 1944 à Paris et décédé en 2005 à Arcueil, Jean-Pierre Pincemin est à la fois peintre, graveur et sculpteur. Autodidacte, l’artiste multiplie et alterne tout au long de sa vie différents supports de création : toiles, collages, estampes, œuvres monumentales, sculptures… tout comme des allers retours permanents entre le figuratif et l’abstrait, le rêve et la réalité, la couleur et la monochromie, l’intime et le gigantesque… 

Avec le groupe Supports / Surfaces, dans les années 1960, il questionne le rôle de l’artiste et le statut de la peinture. Il mène également une réflexion sur la couleur et sur l’organisation de la surface colorée. 

Dans les années 1980, Jean-Pierre Pincemin s’inspire aussi bien de motifs traditionnels indiens, japonais, religieux, ou encore des fables du Moyen Âge. Il nourrit sa production en puisant dans les cultures et les époques les plus diverses, sans figer son travail dans un style ou un médium unique. Il intègre et interprète ces multiples influences pour créer une œuvre éminemment personnelle. 

Les années suivantes et jusqu’à sa disparition en 2005, Jean-Pierre Pincemin n’a cessé d’explorer de nouvelles pistes, sous la forme de toiles immenses, de commandes publiques monumentales, de petites peintures sur faïences et de très nombreuses estampes.

L'œuvre de Gottfried Honegger

Les travaux de restauration de la tour de la Lanterne (2013-2016) ont été l’occasion de rénover l’œuvre « Sans titre » de Gottfried Honegger. 

Cette œuvre a été réalisée en 1985 dans le cadre d’un programme de commande publique de l’État, mené par ministre de la Culture Jack Lang.

Elle comportait à l’origine, outre la colonne de cônes en aluminium chromé, un labyrinthe dessiné par des blocs de granite placés au centre de la tour, sur un plancher en bois. 
 

Vitraux de Gottfried Honegger
Vitraux de Gottfried Honegger

© Centre des monuments nationaux - Sébastien Arnault


Dans un texte décrivant sa démarche, Gottfried Honegger précise : « La tour de la Lanterne est chargée d’un riche passé. Phare, élément de défense et prison tout à la fois, la tour reflète, par les traces qu’elle porte encore, la souffrance de ceux qui y sont restés prisonniers. Cet état de faits a déterminé mon travail et j’espère avoir pu rapprocher le public et l’édifice par la langue éloquente dans son silence qu’est l’œuvre artistique. J’ai choisi le dernier étage pour la tour même qui s’y vit du dedans. Tous mes efforts ont porté à aspirer le regard du public vers le haut, à l’emporter vers l’incroyable beauté de cette architecture. Mes stèles ont donc pour objectif d’emporter le regard vers le faîte, mouvement que j’accompagne et que je soutiens par les jeux de lumière et par la diffusion musicale qui convient ». 

L’artiste, insatisfait de cette réalisation, a émis le souhait que son œuvre soit alors repensée. La rénovation de son œuvre en 2015 en a été l’occasion. Outre la restauration du chromage des cônes, il a modifié le dispositif central en posant un miroir rond sur un socle carré rouge

Par ailleurs, la bande-son créée en 1986, avait disparu. À la suite d’une collaboration établie avec l’Institut de recherche et de coordination acoustique/musique (IRCAM) grâce au soutien des collectionneurs Jean Philippe et Françoise Billarant, un nouvel environnement musical a été créé à partir d’une œuvre de Pierre Boulez et de Claude Debussy. 

Cette installation associe des éléments et des formes simples et épurées, avec une combinaison des matériaux (bois, métal, miroir). L’articulation de l’ensemble (sol, table, colonne suspendue) offre à la fois une sensation de légèreté et de vertige. L’espace semble démultiplié avec le reflet de la voûte dans le miroir. Et quand le visiteur se penche au-dessus du miroir, ce dernier est comme précipité dans le vide. 

Les cinq panneaux de vitraux dans le lanterneau, conçus par l’artiste et restaurés également, offrent au public lors de sa montée un jeu de lumière et de couleur non sans rappeler les églises ou les cathédrales.